Compte rendu des visites au Népal et en Inde
Novembre /Décembre 2009
de Martine Buissier
1) Rencontres avec 3 étudiants au Népal : ce sont tous des anciens de Dolanji dont nous avons décidé de financer les études
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Takla, 23 ans, originaire d’Humla (Nord-Ouest du Népal) :
Takla est étudiant en 2ème année à « Katmandu Academy of Tourism and Hospitality ». Après quelques difficultés, il s’est orienté avec succès dans le tourisme en juillet 2008. L’association prend en charge sa scolarité, son logement et sa nourriture.
Sa formation dure 3 ans et devrait se terminer en novembre 2011. Il obtiendra un Bachelors Degree et pourra trouver un emploi de guide touristique assez facilement.
Il vit à Kathmandu avec son frère de 20 ans, étudiant en comptabilité, parrainé par ailleurs, il a un autre frère de 16 ans qui est en formation d’électricien et va repartir au printemps dans leur région d’origine. Takla est un élève excellent, motivé, coopératif, serviable, qui a beaucoup d’amis dans l’école, ce que confirme son directeur. Il a bien réussi ses examens de décembre 2009.
Il suit des cours pour perfectionner son anglais (cours payés par l’association) et travaille aussi bénévolement comme aide soignant dans un foyer d’enfants. Je lui ai suggéré de se trouver un emploi rémunéré pour commencer à se prendre en charge.
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Yungdrung, 25ans, originaire de Dhorpatan.
Il étudie la peinture de thangkas à Katmandu dans une classe de 12 élèves, 3 jours à Swayambunat pour la peinture Bön et 3 jours à Bodnath pour la peinture bouddhiste. Il est au 1er niveau pendant 2 à 3 ans et quand son maître le jugera, il passera au 2ème niveau dans un atelier ouvert aux touristes. Il ne paie pas de frais de scolarité, l’association prend en charge ses frais de logement et de nourriture à Kathmandu depuis avril 2008.
C’est un jeune réservé, introverti mais souriant quand je prends le temps de rester avec lui.
De nationalité tibétaine et non népalaise, il perd beaucoup de temps dans ses études car il doit faire tamponner sa carte de séjour de réfugiés tibétains chaque année dans la ville où elle a été émise à l’origine, c’est à dire à Dolanji plus exactement à Nahan ou Solan, en Himashal Pradesh, le head office du district de Dolanji.
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Phurbu, 22 ans, ancien de Dolanji originaire du Mustang.
Il a terminé ses études au lycée de Pokhara tout en enseignant les mathématiques dans une école réservée aux enfants du Mustang. En octobre 2009, il a réussi la sélection d’entrée à l’EIA « Enlightened International Academy », à Pokhara : 28 étudiants ont été sélectionnés et il a commencé mi novembre, entrée décalée à cause de la grève générale. L’association a payé son inscription et ses frais de scolarité. Il étudie la comptabilité, l’informatique, l’économie et l’anglais. Il a un grand besoin de s’acheter un ordinateur et je pense que l’on pourrait lui faire un micro crédit, comme pour le VTT – qu’il a revendu dès qu’il a déménagé et s’est rapproché de son Institut. C’est un garçon sérieux et digne de confiance. (Le CA a donné son accord pour ce prêt).
2) Rencontre avec Thupten à Pokhara (Népal)
Représentant du gouvernement tibétain en exil, il intervient dans 4 camps de réfugiés : Tashiling à Pokhara, Dhorpatan, Mananga et Samdo, à la frontière tibétaine. Depuis 3 ans, il est notre coordinateur pour Dhorpatan, ce qu’il accepte de faire bénévolement. Il travaille à Pokhara mais sa famille (sa femme et ses 3 enfants) habitent à Kathmandu.
L’école népalaise de Dhorpatan compte maintenant 295 enfants inscrits (211 garçons et 84 filles…) et 3 professeurs payés par le gouvernement. Avec l’argent de l’association, il fera acheter et apporter au printemps des uniformes (des chemises marron, moins salissantes!) des bottes et des fournitures scolaires. Nous payons aussi le salaire d’un quatrième professeur et au printemps prochain, d’un professeur d’anglais en plus.
L’école tibétaine ne compte que 7 enfants mais répartis dans 2 hameaux éloignés, un professeur tibétain, rémunéré par nous, allant à mi-temps dans chacun des 2 endroits. Les tibétains ne veulent pas envoyer leurs enfants à l’école du gouvernement car on n’y enseigne pas le tibétain. Quand ils grandissent, les enfants tibétains sont scolarisés à Pokhara ou à Kathmandu (ou envoyés à Dolanji…)
3) Rencontre avec Kedar à Kathmandu
Kedar est un acteur important de l’association « Action Dolpo » et il a accepté d’être provisoirement notre intermédiaire avec le village de Kagkot. Situé dans le district du Dolpo, il s’agit en fait de plusieurs hameaux faisant partie du même VDC (canton) de Mukot, au nord du Daulaghiri. Les hameaux sont situés à l’est du Dolpo, dans la vallée de Barbung, loin des treks touristiques et souvent « oubliés » par le gouvernement népalais pour le versement des subventions auxquelles ils ont droit. Il y a 10 à 20 familles par hameau.
Tsewang Tenzin, ancien chef de village et toujours très respecté, a contacté Kedar il y a quelques années pour la construction d’une école .Tous les habitants des villages alentour, très motivés, se sont mis d’accord pour que l’école commune soit à Kagkot, bien placé stratégiquement par rapport aux autres hameaux et dont l’école existante mais restée longtemps non opérationnelle sera plus facile et moins chère à agrandir. Une ligne téléphonique est désormais installée au village. Les villageois récoltent le bois environnant pour faire fabriquer par des charpentiers tables et bancs de l’école et sont désireux de s’impliquer dans ce projet d’école.
L’année scolaire officielle dure d’avril à novembre inclus soit 8 mois. En 2009, il y avait 54 enfants, 3 professeurs pour 4 niveaux (2 maternelles et 2 cours primaire), l’école a pu fonctionner de juin à octobre. En 2010, il y aura environ 70 élèves et 5 niveaux, moitié garçons et filles et les villageois souhaitent que l’école marche pendant les 8 mois. Le 31 juillet 2009, grâce à un premier versement de notre association, a eu lieu la distribution des fournitures scolaires achetées et acheminées par Kedar (photo ci-contre).
Le projet actuel consiste à assurer le fonctionnement de l’école en complétant la rémunération des 3 professeurs en place (comme cela se pratique au Népal où les ONG apportent un complément de salaire aux professeurs payés par le gouvernement), en prenant en charge le salaire d’un professeur/coordinateur en plus et d’un cuisinier, et à renouveler les fournitures scolaires et les uniformes.
4) Les étudiant de Sarnath (Inde)
Les 12 étudiants que nous aidons sont tous aussi des anciens de Dolanji qui sont inscrits à l’Université tibétaine (CIHTS). Certains terminent ici leurs années de lycée (niveaux 11 et 12) puis choisissent leurs études : art et culture, médecine, philosophie. La plus ancienne est en 5ème année d’études de médecine tibétaine (qui durent 9 ans). Ils sont tous très épanouis t motivés et reconnaissants de l’allocation que nous leur donnons (12€/mois chacun) qui leur permet d’acheter livres (d’occasion souvent) produits de toilette ou autres produits de base qui leur sont nécessaires. La scolarité et la pension sont gratuites.
5) Buddha’s smile school (BSS : Sarnath, Inde)
Rappel : il s’agit d’une école privée, dirigée par une indienne, Rajan Kaur Saini, accueillant des enfants de familles vivant dans des conditions de misère extrême. L’association a pris en charge depuis 3 ans les repas de midi préparés par le mari de Rajan, Sukdev, victime, en mai 2009, d’un grave accident de moto qui a nécessité l’amputation d’une jambe. Les repas ont continué à être préparés par ses employés et son beau-frère et servis sans interruption malgré cet accident. Sukdev, maintenant appareillé, a recommencé à travailler (photo ci-dessus).
Dans les 8 classes primaires, il y a toujours 220 enfants ; il y a une liste d’attente de plus de 10 enfants mais il n’y pas de place pour eux en l’état actuel des locaux.
Cette année 23 enfants, 8 filles et 15 garçons, ont été scolarisés en école secondaire : ils vont dans 2 écoles différentes, une pour filles à 45 minutes de Sarnath, de 7h30 à 13heures. Une pour garçons de 9h à 16 heures. Les 23 enfants reviennent à Buddha’s Smile School après leur cours pour des cours de soutien, d’études sous la surveillance de Rajan ou de Jagdish, son frère et « Principal » de l’école, seule présence masculine du personnel enseignant, compétent et dévoué. Le lavage des mains au savon (photo ci-contre) avant chaque repas, servi vers 11h, fonctionne bien. Rajan signale qu’il y a moins d’enfants malades cet hiver.
Je suis allée avec Rajan, Jagdish et deux professeurs rendre visite à la communauté Bengali, près de Varanasi. De nombreux enfants de ce groupe ethnique sont scolarisés à Buddha’s Smile School. Ce sont des ramasseurs d’ordures et de toutes sortes de tissus et objets, qu’ils revendent sur les marchés. Ils vivent au milieu de détritus, dans des huttes recouvertes de toiles et plastique et nous ont reçus avec joie et rires. Spectacle incroyable et émouvant. Rajan fait un travail important d’assistante sociale et les parents acceptent petit à petit de scolariser leurs enfants, sont heureux du repas quotidien qu’ils reçoivent à l’école et commencent à empêcher leurs enfants d’aller mendier dans les rues.
Le changement de comportement se fait sentir –ils sont curieux d’apprendre, de plus en plus propres et j’ai mesuré encore cette année l’importance de la scolarité de ces enfants des plus basses castes, d’intouchables et de sans- abri, grâce à l’aide d’association comme l’Arche de Dolanji, qui finance les 220 repas quotidiens. Ce repas est un argument de poids dans l’acceptation des parents à scolariser leurs enfants et à les empêcher de mendier. J’ai constaté encore une fois la nette différence entre les tout petits, arrivant sales, nus pieds parfois, et les plus âgés ; dès l’âge de 7 ans déjà, ils sont plus propres, plus soignés, coiffés et très heureux de venir à l’école et d’apprendre !
Martine Buissier. Chambéry.