Nepal
VOYAGE au NEPAL
Monique Chantrel et Annie Mouchet
16 avril – 8 Mai 2008
DHORPATAN
Situation géopolitique
Dhorpatan est une large vallée située à 100 Km à vol d’oiseau à l’ouest de Pokhara, à 2900m d’altitude, au sud de la chaîne du Dhaulagiri. C’est une magnifique région, boisée jusqu’à 3500m, bordée par des sommets de plus de 4000m d’où l’on a une vue magnifique sur les 7-8000m himalayens. C’est une réserve de chasse pour les animaux sauvages. La meilleure période pour y aller est en avril-début mai ou en septembre-octobre. En juin et juillet, c’est la mousson, qui peut se prolonger en août. Il y a deux voies d’accès à partir de Baglung, que l’on atteint facilement en voiture depuis Pokhara : par le sud, en jeep 4×4 pendant 8 heures jusqu’à Burtibang, puis à pied pendant 10 heures encore, éventuellement avec des mules. Selon l’organisation, on peut faire ce voyage en 2 ou 3 jours. Par le nord, c’est la voie que nous avons suivie au retour : depuis Dhorpatan, on franchit le col du Jalja La à 3400m et on redescend à pied sur Darbang (2 jours de marche) et de là on rejoint Beni en 3h de bus puis Baglung en 2h de car.
Il n’y a pas d’électricité à Dhorpatan (pas encore), pas d’eau courante dans les maisons mais des fontaines communes à un groupe de maisons. Ici vivent des Népalais appartenant à 7 ethnies différentes. Lorsqu’ils sont tous présents en été, il y a approximativement 1500 à 2000 habitants. Ils cultivent leurs champs (orge et pommes de terre) ainsi que quelques potagers (oignons etc) et vergers (pommiers) et élèvent buffles, vaches et moutons. La plupart sont dans un extrême dénuement, mais certains ont de belles maisons.
En 1959 sont arrivés des réfugiés tibétains : ils ont pu s’installer dans cette grande vallée où ils sont devenus propriétaires de leurs maisons et de leurs champs et, avec l’aide de la Croix Rouge suisse, construire une école, un temple Bön, et une école de médecine traditionnelle. Il y a 5 « camps » (settlement) tibétains, désignés par leur situation dans la vallée ou le nombre de maisons qu’ils comportent et il faut près d’une heure et demie de marche pour aller d’un bout à l’autre de ces « camps ». Peu à peu, des Tibétains s’en sont allés, et il n’en reste aujourd’hui qu’environ 200. L’école a accueilli de plus en plus d’enfants népalais, et aujourd’hui il ne reste plus qu’un seul enfant tibétain en classe maternelle, car l’enseignement du tibétain n’étant plus autorisé dans les écoles gouvernementales, les Tibétains envoient leurs enfants à Pokhara, Katmandou, Dolanji…
Par ailleurs, depuis 1996-97 les Maoistes ont utilisé la vallée comme camp de base, sans s’en prendre à ses habitants mais en puisant dans leurs maigres réserves de nourriture sans dédommagement. Des combats ont eut lieu avec les troupes gouvernementales, provoquant la destruction de quelques maisons et clôtures de champs en pierres dans la zone de l’ancien terrain d’aviation (qui ne fonctionne plus depuis plusieurs années).
Quand nous arrivons, en avril 2008, deux faits importants marquent tous les esprits : d’abord la victoire des maoïstes aux dernières élections et leur entrée au gouvernement (le roi étant suspendu). Les Népalais attendent de voir ce que ça va donner, les Tibétains ont peur d’un rapprochement avec la Chine.
Le deuxième événement est en rapport avec les émeutes du Tibet en mars 2008 et leur féroce répression par les Chinois, ce qui vaut à toute la communauté tibétaine de se solidariser et de renforcer leur sentiment de victimisation. Au Népal, les manifestations ont été largement réprimées aussi et des manifestants emprisonnés à Katmandou. Les Tibétains n’ont plus le droit de hisser leur drapeau national, ils portent des marques discrètes de deuil (brassard noir) et passent de longues heures à prier.
l’école de Dhorpatan
« Shree Joyti Vikas Primary School » (Ecole primaire : Respect, Rayonnement, Développement) a été fondée en 1960 par la Croix Rouge Suisse pour les Tibétains. Elle est dirigée par un Népalais, Chek Bahadur Adai, qui prendra sa retraite dans 3 ans, après 15 années de service. En dehors de lui, il y a 2 autres enseignants : un Tibétain (qui enseigne le népalais et l’anglais mais n‘est pas titulaire) Sonam Topgyal Gurung, et un autre Népalais Kul Bahadur Adai (même ethnie mais pas même famille que Chek Bahadur), qui était en train de suivre un recyclage pédagogique à Baglung pour une durée d’un mois et demi. L‘école tournait donc avec 2 professeurs seulement pour 156 enfants inscrits dans 6 niveaux, de la maternelle à la classe 5. Et ce qui paraît le plus incroyable, c’est que ça tournait quand même, les classes sans professeur étudiant leurs leçons sans surveillance adulte, mais avec un élève responsable, qui gourdin à la main, faisait respecter la discipline !
Les enfants sont assez sales et vêtus pauvrement, les uniformes de l’an passé avaient bien besoin d’être remplacés ! La distribution des uniformes, des chaussures et chaussettes que nous avons fait acheter à Pokhara revêt ici beaucoup d’importance pour la population, de même que les cahiers et les crayons. Les salles de classe sont équipées de bancs et tables en bois et d’un tableau noir. Les fenêtres et les portes ne ferment pas, mais la plupart des écoles sont comme cela au Népal, dans les villages que nous avons vus. Le sol est en terre battue mais propre.
Dans un local remis en état par notre association et fermé à clé sont conservés les documents, les cahiers, les planches pédagogiques, le matériel (ballons etc). L’école fonctionne de 10h à 16h, avec une pause d’une heure à midi: les enfants rentrent chez eux ou grignotent quelque chose sur place. Il ne paraît pas nécessaire d’organiser un repas sur place, les enfants sont censés arriver de chez eux après avoir pris un lunch et rentrent pour en prendre un autre dans l’après-midi. Les toilettes, au fond de la grande cour, sont fonctionnelles et propres.
Nous avons eu un meeting avec l’ensemble des parents d’élèves et un autre avec le « comité » qui a bien surveillé la répartition égalitaire des uniformes et fournitures. Nous avons fait part de notre souhait de voir plus d’enfants scolarisés dans les classes 4 et 5 et en particulier plus de filles .
Les besoins
Après avoir discuté avec tous, nous retenons les propositions suivantes :
Pour l’école gouvernementale, pas d’organisation de repas à midi.
a) Un complément de fournitures sera apporté en septembre : environ une 50ne d’uniformes pour les plus jeunes, des pulls (noirs) pour l’hiver pour tous et des jupes pour les filles, des jeux (badmington…) et des instruments de musique.
b) Le plus important est le manque d’enseignant: le comité souhaiterait que nous financions un autre enseignant (salaire mensuel : 6000 Rp soit 60€). Le CA a donné son accord.
Pour les Tibétains, nécessité d’organiser la scolarisation de leurs enfants sur place, avec un enseignement de leur langue à laquelle ils tiennent, pour les empêcher de partir loin, parfois avec leurs parents pour veiller sur eux, laissant à l’abandon leurs terrains et leurs maisons, et parfois leurs vieux parents.
Ils ont les locaux, et peuvent fournir les meubles et les fournitures scolaires mais ils demandent une aide pour payer le salaire de 2 professeurs. En effet, en raison de la distance entre les campements et le jeune âge des enfants qui pourraient être scolarisés, il paraît nécessaire de prévoir deux lieux différents de scolarisation. Le salaire demandé pour les professeurs est de 3000 Rp par mois (chacun). Thupten pense que cela offrirait du travail à des jeunes filles qui en cherchent. Le CA a donné aussi son accord.
Les ETUDIANTS
Etudiants aidés par l’Arche de Dolanji :
Y..G.. : elle a passé l’examen de la classe 12 (Bac) et attend avec confiance ses résultats. Elle pense ensuite poursuivre ses études en Inde. Nous lui donnons le nécessaire dans ce but (frais d’inscription + « donation » due par les étudiants étrangers à l’Inde + frais de logement, nourriture, transports)
T…..est dans une mauvaise passe : il doit, en tant qu’aîné, s’occuper de son père mourant et il a beaucoup de mal dans ses études, l’enseignement étant en népalais, langue qu’il n’a pas étudiée à Dolanji. Il est scolarisé à Népalgonj en classe 13 (première année universitaire) mais a peu de chance de réussir son examen de passage, d’où une réorientation nécessaire.
Y….. T…. : c’est aussi un ancien de Dolanji (BCH) originaire de Dhorpatan où nous l’avons rencontré, qui après avoir raté l’examen de la classe 12 a souhaité devenir artiste peintre de tankas (peintures religieuses traditionnelles). Nyima Dakpa (directeur du BCH) l’a alors amené à Katmandou dans une école de peinture où son inscription a été payée pour l’année. Cependant, après les vacances d’hiver chez son frère à Dhorpatan, Y…T… n’est pas retourné à Katmandou, où son logement chez des parents éloignés était trop problématique (surpopulation). Nous avons discuté avec lui et décidé de l’aider s’il retournait étudier et se trouvait un logement pas trop cher. Il est reparti aussitôt à Katmandou où nous l’avons revu à notre retour. Il nous a fait visiter son école. L’apprentissage de peintre dure 5 ans.
CONCLUSIONS
Il y a beaucoup de choses à faire pour aider Dhorpatan. Notre aide à l’école gouvernementale est essentielle pour favoriser la scolarisation d’une population extrêmement pauvre. Les Tibétains ont besoin d’un « coup de pouce » pour démarrer une école privée où l’enseignement du tibétain sera assuré, ce qui est pour eux essentiel pour sauvegarder leur cultures. L’isolement va être moins pesant avec l’arrivée du téléphone puis de l’électricité et l’amélioration des pistes . Une fabrique d’encens est en projet car la forêt est pleine de génévriers. L’école de médecine doit redémarrer, les étudiants de l’école de médecine de Katmandou viendront sur place ramasser les nombreuses plantes médicinales que l’ont peut y trouver.
Les parents tibétains sont tous convaincus de l’importance de scolariser leurs enfants et sont prêts à fournir des efforts importants pour cela. Ils ont montré aussi qu’ils souffraient quand l’éloignement trop grand entraînait une longue séparation et les jeunes tibétains investissent beaucoup dans les études.
Notre action ici est donc, comme à Sarnath, comme pour les étudiants et comme elle l’a été à Dolanji…
un pari pour l’avenir !
Monique et Annie